Sac à Viande

Pondu le 6 janvier 2023 - 0 commentaires

Ça faisait maintenant 2 mois que Julie avait été élue mairesse de son village. Comme personne ne s’était présentée face à elle et qu’elle-même y était allée à reculons, elle avait surtout eu l’impression de se porter volontaire pour une corvée.

Mais elle devait bien admettre que ce nouveau boulot lui plaisait. Les habitants de ce petit patelin rural étaient plutôt sympathiques, et ça la changeait agréablement de son précédent boulot de web design dans une agence parisienne.

Julie n’était pas une personne avec de gros besoins d’interactions sociales. L’être à qui elle parlait le plus quand elle était en région parisienne était son vieux chat Rackham, un énorme matou borgne qui avait décidé de squatter son lit un jour où elle avait laissé la fenêtre ouverte. Comment le chat avait pu grimper jusqu’au deuxième étage restait un mystère, mais ils avaient tacitement établis que le chat prêterait une oreille attentive à Julie, et que celle-ci lui fournirait en retour des caresses et des croquettes.

Elle avait passé un weekend dans un gîte proche de ce village et elle était tombée sous le charme de cette campagne vallonnée, très boisée et où le temps ne semblait pas s’écouler aussi vite qu’ailleurs. Elle était revenue plusieurs fois dans la région et avait fini par acheter une petite maison dans cette bourgade, qu’elle avait fait retaper.

Lorsqu’elle avait fait son burn-out, c’est tout naturellement ici qu’elle était venue se ressourcer. Et elle n’en était plus partie. Elle se faisait régulièrement la réflexion que son cas aurait fait un excellent point de départ pour un téléfilm de Noël si elle avait été un plus jeune, avec un paysage enneigé et un beau gosse célibataire attendant le grand amour.

Le village était composé d’une quinzaine de grandes familles, de quelques dizaines de personnes qui habitaient la commune sans y avoir d’attaches et dont Julie faisait maintenant partie, et d’une poignée d’individus marginaux qui ne se mêlaient généralement pas au reste de la population. On trouvait des célibataires, mais aucun qu’on puisse qualifier de beau. Et pour la neige, avec le réchauffement climatique ça faisait bien 10 ans qu’on n’en avait plus vu dans le coin.

L’ancien maire, un moustachu jovial qui avait refusé qu’elle l’appelle autrement que par son surnom Paulo lui avait rapidement proposé de s’investir dans la commune, et c’est ainsi qu’elle était devenue conseillère municipale en charge de la communication, du tourisme, de la jeunesse, des sports et du comité des fêtes. Elle n’avait pas osé refuser et c’est ainsi qu’elle avait pu faire connaissance avec une grande partie des habitants.

Lorsque Paulo avait fait un arrêt cardiaque en plein conseil municipal, il avait laissé un village complètement désemparé. Paulo était maire depuis plus de trente ans et personne n’avait envisagé qu’il puisse en être autrement, et pas aussi brutalement.

Et c’est ainsi qu’après qu’on l’avait poussée à devenir candidate, Julie était devenue mairesse d’une petite commune. Le travail était moins technique qu’elle ne s’y attendait, la com’com (communauté de communes) prenait en charge beaucoup de compétences normalement gérées par les mairies, notamment parce que les élus des communes qui la composait étaient notoirement nonchalants face à la bureaucratie et aux règlements.

Sa principale préoccupation était pour l’instant d’organiser la fête décennale du Sac de Viande. Julie avait d’abord pensé que ça avait un lien avec les sacs de couchage pour randonneur. Mais non, tous les dix ans on jetait un sac empli de vraie viande dans un ravin proche du village pour éloigner les prédateurs, et ce depuis aussi loin que remontaient les archives du village. Et on était très fier ici d’avoir des archives qui remontait au milieu du Moyen-Âge. Cette tradition n’avait jamais été ignorée, pas même pendant les guerres ou les périodes de famine.

Julie avait demandé pourquoi on jetait de la viande alors que ça devait logiquement attirer les prédateurs et pas les faire fuir, mais elle s’était heurtée à des haussements d’épaules et au poids de la tradition.

Ne cliquez pas sur cette image, vous n'êtes pas équipé pour l'escalader.

Lorsqu’elle avait proposé en séance le mois précédent de récupérer les 60 kilos de viande auprès des invendus périmés des bouchers et des supermarchés du coin son adjoint le plus ancien, un gars taciturne du nom d’Antoine, lui avait répondu que la viande devait être fraîche. Il s’était proposé de s’en occuper avec quelques éleveurs du village, comme ils le faisaient dans sa famille depuis des lustres.

Cette cérémonie – puisque c’était ainsi qu’on l’appelait, ce qui donnait un sens un peu mystique à l’affaire – était également l’occasion de faire un grand banquet, dont la particularité était d’avoir un placement qui était décidé par le chef du village. Depuis que ce banquet existait, le placement était une source de querelles qui duraient parfois des années. On mettait au centre du banquet les personnalités les plus importantes du village, et assez logiquement plus on était placé loin du centre, plus on était perçu comme étant un moins-que-rien.

L’ancien maire Paulo excellait dans l’art délicat de ce placement et avait réussi le tour de force de ne froisser quasiment personne lors des trois précédents banquets. Il avait pour cela une botte secrète qui consistait à déterminer des zones allant du centre jusqu’au bord de la salle, zones qu’il attribuait aux grandes familles du village. Il leur laissait ensuite décider elles-mêmes du placement interne de leurs membres. Si quelqu’un n’était pas d’accord, il ne pouvait s’en prendre qu’à sa famille et non à lui. Seuls les quelques individus plus solitaires restaient à placer par ses soins, et il les connaissait suffisamment pour savoir comment les gérer.

Mais Julie n’avait pas cette expertise, et si les habitants étaient plutôt amicaux avec elle, ils n’étaient pas allés jusqu’à lui fournir les astuces qu’utilisait Paulo. Les fréquentes allusions et inquiétudes des villageois à ce sujet montraient en revanche que c’était une affaire à prendre très au sérieux.

Julie trouva la solution lorsqu’elle fut invitée au mariage d’une de ses cousines. Celle-ci lui avoua qu’elle avait fait appel à une Intelligence Artificielle pour dresser le plan de table, et que ça lui avait épargné bien des tracas. La nouvelle mairesse en parla au Conseil Municipal suivant, et le débat fut intense. Les villageois étaient maintenant habitués à l’usage de l’informatique, qui était devenu quasiment indispensable dans ces communes reculées où la plupart des services publics avaient déserté les lieux. Mais se fier à une machine pour le placement du banquet, voilà qui était nouveau.

Certains redoutaient que l’IA soit piratée, mais personne dans le village n’avait les compétences pour le faire, et une IA de dressage de table n’irait certainement pas intéresser des hackers. D’autres avaient en revanche peur que l’IA fasse un placement qui ne satisferait personne, et c’était une inquiétude plus légitime. Julie proposa alors de faire un essai, et si on constatait que le résultat était pire que ce qu’aurait pu faire la mairesse par elle-même, on ne l’utiliserait pas.

Et c’est ainsi que la commune fit l’acquisition d’une IA. On l’alluma, on renseigna le but de l’opération, la commune concernée et l’IA alla chercher elle-même les informations dont elle avait besoin, à savoir les habitants, leur nom, leur âge, leur sexe, leur adresse postale, leurs revenus, leur patrimoine, leur casier judiciaire… La quantité de données personnelles pouvant être analysées par l’IA était démesurée, mais elle était autorisée par l’Union Européenne à fouiller dans les données privées des citoyens européens tant que son but était non discriminatoire, que l’IA était programmée et hébergée en Europe et surtout qu’aucune donnée personnelle non pertinente pour la tâche demandée n’était dévoilée à qui que ce soit.

Cette disposition avait fait hurler les défenseurs de la vie privée, mais les gouvernements des pays de l’UE avaient tenu à ne pas se laisser dépasser dans le domaine des IA décisionnaires par la Chine et les États-Unis, qui n’avaient pas ces restrictions. Et bien que la majorité de la population de l’Union Européenne y soit défavorable, la mesure était passée.

L’IA finit par proposer une nouvelle méthode d’ordonnancement : au lieu du placement habituel par ordre d’importance, elle proposa simplement de faire un classement par âge.

Lorsqu’on annonça la nouvelle, les gens furent d’abord hostiles au changement : on avait toujours classé par importance, il fallait respecter la tradition. Mais Julie qui commençait à bien connaître ses administrés alla d’abord parler aux matriarches et patriarches des grandes familles. Qui furent rapidement convaincus quand Julie sous-entendit que l’IA allait mettre les plus âgés d’un côté, les plus jeunes de l’autre, et qu’au milieu on retrouverait donc les gens dans la force de l’âge, dont faisaient partie ces chefs de familles. Et qu’ils seraient ainsi placés au centre du banquet, comme avant.

Les matriarches et patriarches imposèrent fort naturellement leur point de vue dans leurs familles. Et une fois les familles convaincues, c’était l’essentiel du village qui devenait favorable au placement par âge.

L’IA dressa un plan de table que Julie consulta. Si la plupart des noms lui étaient familiers, elle remarqua que le doyen du village lui était complètement inconnu, un certain Jean MARTI. Lorsqu’elle en parla à un de ses adjoints, celui-ci lui répondit que le nom lui disait quelque chose, mais qu’il était certain que le doyen était le Vieux René qu’on voyait régulièrement faire la sieste assis sur un banc près de l’église.

Elle finit par être franchement intriguée après en avoir parlé à plusieurs autres personnes, qui lui firent tous la même réponse.

Julie demanda alors à l’IA toutes les infos qu’elle avait réuni sur ce M. MARTI, mais celle-ci refusa : c’aurait été une violation de la vie privée d’un citoyen européen, et sa programmation le lui interdisait. L’examen des archives administratives lui prit un temps considérable mais ne lui en apprit pas d’avantage. Cet homme habitait dans la commune sinon l’IA ne l’aurait pas sélectionné, mais l’administration française n’avait presque rien sur lui.

Elle finit par dénicher dans les plans cadastraux une grande parcelle de plusieurs hectares appartenant à un MARTI. Elle était située en bas du ravin d’où allait être jeté le sac de viande du banquet à venir. En regardant mieux sous Google Maps, elle vit qu’en fait le sac serait jeté DANS la propriété de cet homme.

Julie fouilla dans tous les documents dont elle disposait pour le banquet, mais rien n’indiquait que M. MARTI avait donné son accord pour qu’on balance un sac plein de viande chez lui. Pourtant vu que ce banquet avait lieu depuis des siècles, il devait bien exister quelque part la trace d’un document. Est-ce que quelqu’un s’était soucié d’obtenir l’autorisation de cet homme ? Était-il même encore en vie ?

Julie décida de prendre contact avec ce Jean MARTI. Bien évidemment, elle ne trouva aucun numéro de téléphone et dut se résoudre à aller le voir en personne.

La maison semblait hors d’âge mais bien entretenue. C’était une grosse bâtisse en pierre qui aurait fait fantasmer plus d’un agent immobilier. Le chemin qui y menait serpentait dans un petit bois agréable sur 150 mètres environ depuis la route. Tout était calme et respirait la nature. Julie gara sa petite Peugeot dans l’allée et alla frapper à la porte.

Un homme d’une trentaine d’années lui ouvrit la porte. Julie se présenta :

  • Bonjour, je suis la mairesse. Vous pouvez m’appeler Julie, dit-elle en appliquant la recette de son prédécesseur à la mairie. Je souhaite parler à Monsieur Jean MARTI.
  • Et bien c’est moi, répondit l’homme aimablement.
  • Je… Euh… Excusez-moi mais je cherche quelqu’un qui serait le doyen du village. Vous me semblez un peu jeune pour prétendre à ce titre, répondit-elle avec une pointe d’humour.
  • Je suis plus vieux que j’en ai l’air, répondit l’homme en souriant. Voulez-vous entrer, qu’on démêle tout ça ?

Julie suivit M. MARTI, qui la mena dans une grande pièce qui faisait visiblement office de bibliothèque bien garnie, les murs étant occupés par de grandes étagères pleines de livres. Une cheminée occupait un des côtés, et de grands fauteuils trônaient au milieu de la pièce.

  • Wow, c’est superbe. J’adore votre bibliothèque ! Si j’avais la même, je ne quitterais jamais cette pièce !
  • J’avoue que j’y passe un temps considérable, répondit Jean. Je vous en prie, asseyez-vous dans un des fauteuils. Voudriez-vous un café, ou du thé ?
  • Un café s’il vous plait. Oh, ce fauteuil est génial. Il est tellement confortable.
  • Mettez-vous à l’aise, je reviens.

Lorsque son hôte fut sorti, Julie passa en revue le contenu de la bibliothèque. Plein d’ouvrages qui semblaient anciens occupaient les étagères, dans des dizaines de langues mais beaucoup en espagnol. La présence de cet homme et de sa maison dans ce village semblait improbable. Non pas que les habitants soient des rustres, mais comme dans beaucoup de petites communes il était difficile d’avoir une vie culturelle et d’intéresser les gens au théâtre, à la littérature ou même au cinéma d’auteur. Et ce type avait probablement plus de livres dans sa bibliothèque que l’ensemble des autres villageois réunis.

Jean revint avec deux tasses de café au parfum exquis, lui en donna une et s’assit dans le fauteuil en face d’elle.

  • Alors dites-moi, pourquoi voulez-vous parler au doyen du village, et en quoi est-ce lié à moi ? Ce n’est plus le Vieux René le doyen ?
  • Vous savez sans doute que nous préparons le banquet du Sac de Viande. Faites-moi penser à vous parler d’un truc concernant cette cérémonie d’ailleurs. Donc pour organiser le placement des gens du village…
  • … ce qui n’est pas une mince affaire !
  • … en effet ! Pour organiser ce placement, on a fait appel à une IA. Qui a décidé de classer les gens par âge.
  • Une IA… une intelligence artificielle ?
  • Exactement. Et cette IA vous a placé comme si vous étiez le plus ancien habitant de ce village.
  • Voilà qui est curieux. Et comment cette IA a-t-elle déterminé que j’étais le plus âgé ? Peut-elle avoir fait une erreur ?
  • C’est bien là le problème, c’est que je n’ai pas accès aux données que l’IA a utilisé. C’est pour respecter la vie privée des gens, vous voyez ? Du coup, impossible pour moi de savoir si l’IA s’est trompée, s’il y a une erreur administrative dans une base de données qui vous donne 200 ans, ou si vous êtes réellement le doyen. Enfin je vois bien que vous n’êtes pas le doyen, mais je n’avais aucun moyen de le vérifier sans vous voir en vrai.
  • C’est très étrange en effet. L’IA s’est-elle trompée pour un autre habitant ?
  • Pas que je sache, à part vous tout avait l’air correct.
  • C’est donc que je dois être le plus vieux finalement, plaisanta Jean. Et… vous vouliez me dire quelque chose au sujet de la cérémonie ?
  • Oui, tout à fait. J’ai découvert récemment que ce Sac de Viande était jeté dans votre propriété, mais je n’ai trouvé nulle part la trace de votre accord pour ça.
  • Cette tradition est extrêmement ancienne, et s’est toujours déroulée de la même façon. Je n’ai aucune raison de m’y opposer.
  • Il serait peut-être temps d’évoluer justement. Les gens pourraient l’entendre, j’ai bien réussi à modifier cette histoire de placement au banquet. Et puis balancer 60 kilos de viande, fraîche en plus, c’est un gaspillage énorme.
  • C’est pour éloigner les prédateurs du village, on ne peut pas balancer des carottes.
  • Il y a des siècles peut-être, mais maintenant ?! Il n’y a plus de loups dans la région depuis le début du XXè siècle, j’ai vérifié. Cette histoire de sac de viande, c’est une coutume au goût douteux.
  • Je sais, mais cette cérémonie a lieu depuis la nuit des temps. C’est vrai que c’est un peu macabre, surtout quand on sait ce que les premiers habitants mettaient dans le sac.
  • Ah bon ? Il y avait quoi dedans ?
  • Des êtres humains. C’était un sacrifice aux prédateurs.
  • Je… Non là vous vous moquez de moi !

Le fauteuil sous Julie ne semblait plus aussi confortable. Elle avait trop chaud.

  • Pas du tout. Il se trouve que je connais très bien l’histoire de ce village, ma famille est installée ici depuis très longtemps.
  • J’ai quand même du mal à vous croire. Si c’est vrai, c’est ignoble. Et comment ils appelaient cette cérémonie avant alors ? Je suppose qu’ils l’ont renommé le Sac de Viande quand ils ont arrêté d’offrir des humains.
  • C’est là où ça devient intéressant : ça s’est toujours appelé ainsi. Mais d’après la légende, ce ne sont pas les villageois qui l’ont nommé de cette façon.
  • Qui a donné ce nom alors ? Demanda-t-elle.
  • Les prédateurs bien sûr !
  • Les prédateurs ? Attendez, comment ça… mais c’était quoi ces prédateurs ? Une secte cannibale ?!

Jean haussa les épaules sans se départir de son léger sourire. Julie commençait à se sentir vraiment mal à l’aise et elle s’agita sur son fauteuil. Soit cette histoire était dingue, soit ce type l’était, soit il se foutait copieusement d’elle.

  • Il est regrettable que Paulo soit mort si brutalement, dit Jean le plus sérieusement du monde. Il n’a pas eu le temps de tout vous dire sur cette cérémonie… Mais vous avez sans doute remarqué que personne dans ce village ne prend ça à la légère, même à notre époque moderne où on ne croit plus aux monstres.

Julie était maintenant convaincue que Jean ne blaguait pas. Les deux possibilités restantes ne lui plaisaient pas beaucoup.

  • Écoutez, je ne vais pas vous déranger plus longtemps, le coupa-t-elle. Merci pour toutes ces infos, vous recevrez très bientôt une invitation pour le banquet.

Julie se leva rapidement, bredouilla un au-revoir peu convaincant et sortit de la grande maison en pierre. Une fois dehors, la sensation de malaise se dissipa aussitôt. Le charme du jardin l’apaisa immédiatement.

  • Ça va pas du tout ma vieille, tu vas péter un plomb à force, dit-elle à voix haute en soupirant.
  • Ne vous inquiétez pas pour le Sac de Viande, fit la voix de Jean derrière elle.

Elle ne l’avait pas entendu arriver. Il était sur le pas de la porte, dans l’ombre du patio.

  • Il n’y a aucun problème à le jeter dans ma propriété, continua-t-il. Je me débarrasserai de la viande, comme lors des cérémonies précédentes.

Julie se retint de lui demander à combien de cérémonies il avait déjà assisté. Elle monta dans sa voiture et repartit vers le village.

La semaine suivante, l’IA lança l’impression des invitations pour tous les habitants de la commune. Julie avait pu mettre à contribution ses compétences en design pour créer le modèle de lettre. Alors qu’elle pensait d’abord tout poster, elle se rendit assez vite compte que la plupart des habitants préféraient venir en personne à la mairie chercher leur invitation. Elle n’eut à poster finalement qu’une vingtaine de lettres sur l’ensemble des villageois, dont celle de Jean MARTI.

Les journées suivantes s’enchaînèrent assez rapidement pour Julie. Le banquet serait dans moins de trois jours, mais elle avait bien d’autres choses à gérer. Une querelle de voisinage, des bêtes enfuies d’un enclos et qui s’étaient retrouvées sur la voix de chemin de fer, une adolescente qui avait fugué, le toit de l’atelier municipal qui avait des fuites…

Le jour venu, le village entier se rassembla dans le pré au dessus du ravin. Julie fit un court discours sur l’importance des traditions et salua la mémoire de l’ancien maire Paulo, puis elle passa la parole à Antoine, son adjoint qui avait bien voulu présider la cérémonie.

Celui-ci demanda solennellement qu’on amène le Sac de Viande. Dans un silence complet, deux agriculteurs amenèrent un grand sac en toile rempli de viande et le jetèrent dans le vide. Le ravin faisait à peine 10 mètres de haut, aussi on entendit distinctement le sac s’écraser par terre dans un bruit mat.

Certains anciens marmonnèrent une phrase qui échappa à Julie, puis tout le monde se rendit au banquet. L’IA avait vraiment eu une idée de génie en plaçant les gens par âge. Les habitants rassemblés par tranche d’âge et partageant ainsi des préoccupations et envies communes purent passer leur soirée à boire, manger et rire. L’ambiance du banquet contrastait singulièrement avec celle de la cérémonie du sac.

Julie passa de table en table, buvant plus que de raison, parlant beaucoup et ne mangeant que trop peu. C’est un peu éméchée qu’elle se retrouva à la table des plus âgés. Le vieux René, complètement saoul, était en train de brailler une chanson avec ses camarades de table. La chaise à côté de lui était restée vide.

  • Tiens, vous n’êtes pas assis à la place du doyen ? Lui demanda-t-elle.
  • Qui ? Moi ? J’ai à peine 20 ans ! Répliqua René dans un grand sourire édenté.
  • Vous savez, je n’ai pas pu savoir si l’IA… oui pardon, le programme informatique s’est planté en décrétant que vous n’étiez pas le plus vieux, ou si ce Jean MARTI qui est censé être le plus vieil habitant du village existe vraiment. Un vieux Jean MARTI, je veux dire.
  • Voilà un mystère qu’on ne résoudra pas ce soir, beugla le vieux René. Ça fait plus de bouffe pour nous, c’est tout ! Et avec toute la viande qu’il y avait dans le sac, on s’ra pas les seuls à faire un festin cette nuit ! Vous z’aurez qu’à revenir demain, vous verrez que tout a disparu là-bas !
  • Vraiment ? Vous êtes déjà resté pour voir quel genre d’animal récupérait toute cette viande ?
  • La cérémonie a toujours lieu pendant une nouvelle lune, on n’y voit jamais rien ! Et puis c’est bien connu, faut pas déranger un prédateur quand il mange.
  • Mais quel prédateur ? Insista Julie. Il y a encore des loups, ou des ours par ici ?
  • Pour bouffer 60 kilos de viande aussi vite, ça doit pas être un chihuahua, ricana un des anciens. Je tiens pas à me retrouver face à cette bestiole !
  • Faut pas y aller en pleine nuit, renchérit René. C’est un coup à vous faire bouffer vous aussi ! Et les prédateurs auront eu deux sacs à viande pour le prix d’un !

Julie prit congé des anciens et sortit prendre l’air. La salle où avait lieu le banquet n’était pas très loin du ravin. Peut-être que… Non. Oh et puis si, il fallait qu’elle en ait le cœur net. Elle alla prendre sa lampe torche dans sa voiture, une lampe puissante qu’elle avait acheté en déménageant ici au cas où elle tombe en panne au milieu de la forêt en pleine nuit. Puis elle se dirigea vers le pré où avait eu lieu la cérémonie.

Lorsqu’elle se pencha au dessus du ravin, éclairant le terrain en dessous, elle vit le sac ouvert. Deux pieds en sortaient. Des pieds fins et dont les ongles d’orteils étaient vernis d’une couleur sombre.

Puis deux yeux apparurent dans la lumière de la lampe avant de se lever vers elle. La bouche sous ces yeux se mit à sourire. Un sourire immense, monstrueux. Trop de dents, trop longues, trop pointues…

Le vieux René avait raison, tout le monde allait manger à sa faim ce soir.


Le quotidien régional du coin fit un article sur la réussite de la fête du Sac à Viande, une coutume locale qui revenait tous les dix ans, et un autre sur la tenue prochaine d’élections municipales anticipées dans cette même commune.

D’après l’article, les candidats à la mairie ne se bousculaient pas.

Je voudrais la paix sur le monde, vite je commente !


De la relative durée du temps

Pondu le 21 mai 2012 - 9 commentaires

La Space Magic c'est un peu comme les super-pouvoirs, ils ont une explication mais en fait on s'en fout.

Aujourd’hui nous allons parler un peu de la relativité du temps. Ce terme est très utilisé en science-fiction pour faire de la Space-Magic1 , ce qui fait que le bas-peuple2 a souvent tendance à penser que c’est un truc pour adolescents boutonneux.

Je tiens à le dire, c’est faux. D’abord parce que la science-fiction est appréciée par une foule de gens de tous âges qui n’ont pas de problèmes de peau, ensuite parce que c’est un phénomène que vous subissez quasiment tous les jours. Vous noterez l’emploi du verbe « subir », je vous garanti que c’est bien le terme qui convient pour ce phénomène.

Prenons un cas concret de la vie courante. Pour coller un maximum aux paramètres du test, vous devez au moins répondre aux pré-requis suivants :

  • Devoir arriver à votre travail à heure fixe.
  • Ne pas habiter sur votre lieu de travail.
  • Ne pas disposer de pouvoirs spéciaux.

Pour une meilleure expérience et un ressenti plus fort, veuillez vous munir d’enfants3 qui devront eux aussi quitter le domicile familial pour se rendre à l’école, en crèche, chez la nounou ou dans n’importe quel lieu où vous souhaiteriez l’abandonner. Vous pouvez également établir votre domicile à bonne distance de votre lieu de travail.

Le réveil sonne, il est <Insérer ici une heure qui sera quoi qu’on y fasse toujours trop tôt, vu qu’on a les yeux bouffis, le cheveu en bataille, et qu’on jure (en vain) que ce soir on se couchera bien moins tard>. Allez, laissez-vous encore 5 minutes avant de vous lever.

Vous clignez des yeux : 6 minutes se sont déjà écoulées. Oui, en un clignement. Vous vous levez et allez prendre votre douche, le temps de vous raser/mettre une quantité indéfinie de crèmes de beauté, de maquillage/faire l’idiot devant la glace vous aura semblé prendre moins de 5 minutes. Erreur : voilà qu’un quart d’heure s’est écoulé, et votre sale gosse n’est toujours pas réveillé. Et vous pouvez vérifier sur toutes les horloges de votre Home Sweet Home, elles indiquent toutes avec la même effronterie que vous commencez à prendre un sévère retard sur votre planning matinal.

Et sachez que cet écoulement du temps qui semble passer en accéléré va continuer comme ça jusqu’à ce que vous arriviez (en retard) à votre travail.

Et il y a mieux : le temps peut également sembler se rallonger à l’infini, faites-en l’ennuyeuse expérience en participant à une réunion,  en allant en cours (pour les plus scolarisés d’entre nous), en étant coincé dans un bus bondé en plein été, dans un embouteillage, etc.

Madame, Monsieur, Chose : vous venez d’être la victime de la relativité. Nombre de savants se sont penchés et se penchent encore aujourd’hui sur ce phénomène, ce qui explique la posture voûtée de la plupart de ces gens-là. Et encore, ce n’est pas la pire déformation physique que peut subir un chercheur : si vous voyez des scientifiques estropiés, avec des organes manquants et d’autres visiblement endommagés, il y a de fortes chances pour que leur domaine de recherche porte sur l’épineuse question de qui de l’éléphant ou du rhinocéros est le plus balèze. Ce n’est pas tant la recherche en elle-même qui est dangereuse, mais plutôt les affrontements liés à la publication du résultat de ces recherches. Il faut bien le dire, personne aujourd’hui n’a encore pu répondre avec certitude cette question fondamentale. Du moins sans se faire massacrer par les partisans de l’autre camp.

Si vous avez continué la lecture jusqu’ici au lieu de retourner voir des vidéos de minous sur Youtube (ou sur Youporn, ça marche aussi), vous allez vous écrier : « Hé, mais c’est vrai ! Comment se fait-il que le temps n’ait pas une durée fixe ? ».

L’explication tient dans le fait que le référentiel de base, c’est vous. C’est votre point de vue qui fait que le temps semble se dilater ou se rétracter. En vérité une unité de temps a la même durée pour tout le monde, mais tout le monde ressentira une durée différente pour cette même unité de temps, et tout ceci est variable dans le temps et selon l’air du temps4. Cessons-là ces énoncés fumeux et prenons Galilée  :

Nous sommes en 1610 en Italie, et cette truffe de Galileo Galilei5 croit que si le Soleil se lève et se couche, c’est parce que c’est la Terre qui tourne autour de lui, et non pas l’inverse comme ce qui est dit par l’opinion publique catholique (je vous rappelle qu’à cette époque c’est l’Église Catholique qui fournit les explications scientifiques aux mystères de ce monde).

Quand je vous disais que tout est une histoire de point de vue...

Si on y réfléchit bien, du point de vue d’un humain résidant sur Terre, les deux théories sont plausibles. Mais du point de vue d’un martien préparant sa Guerre des Mondes, il est évident que c’est autour de Mars que le Soleil tourne et que c’est  la Terre, cette ridicule planète qui va se manger une invasion d’ET dans 4 siècles, qui tourne autour du Soleil. Si le Monde devait tourner autour de tous ceux qui pensent qu’ils en sont le centre, je vous laisse imaginer le bordel que ça serait. N’est-ce pas ? Hein, quoi, c’est déjà le cas ? Oh écoutez, on le saurait à force…

On peut donc déduire de toute cette histoire que :

  1. Galilée était probablement un extra-terrestre.
  2. Les martiens de cette époque auraient mieux fait d’investir un peu dans la recherche contre les maladies extra-martiennes au lieu de ricaner sur l’étroitesse d’esprit des gens du 17è siècle, ça leur aurait éviter de se faire décimer par un virus à la con quand ils ont envahi la Terre 4 siècles plus tard.6
  3. Toute observation est relative au point de vue de la personne qui regarde.

Alors vous allez me dire que c’est bien beau cette histoire, mais que non seulement vous n’avez rien compris à cette histoire de Galilée qui tourne autour d’un martien, mais qu’en plus ça ne vous sert à rien dans votre vie quotidienne, et que comme c’est la Crise on a d’autres chats à fouetter.

Vous avez raison sur un point : vous n’avez effectivement rien compris.

Pour ceux qui aiment pouvoir tout résumer en une phrase (c’est mon cas), voici ce que vous devez retenir de la relativité temporelle appliquée à la vie courante :

« La durée d’une seconde est inversement proportionnelle à ce que vous souhaitez »

Tout ça pour dire que les matins où je dois emmener mon rejeton à la crèche, le temps file scandaleusement plus vite que lorsque je dois assister Albane quand elle est en mission de recherche de fringues7, ce qui n’arrive heureusement pas si souvent.


  1. Ce terme regroupe toutes les explications suffisamment vagues mais plausibles concernant les moyens de locomotion dans une œuvre de science-fiction genre Guerre des Etoiles, et qui reposent sur des principes vaguement scientifiques. 

  2. C’est à dire vous et moi. Mais surtout vous. 

  3. Il est préférable que ce soit les vôtres, et qu’ils soient encore vivants. 

  4. Si vous n’avez rien compris, c’est tout à fait normal. Même en sachant que ce que j’ai écrit est relativement correct, je n’arrive pas à comprendre ce que j’ai mis… 

  5. Comme quoi même à cette époque certains parents étaient totalement irresponsables dans le choix du prénom de leur progéniture. 

  6. Évidemment il faut avoir lu ou vu la Guerre des Mondes d’ H.G. Wells pour comprendre ce deuxième point. Si vous ne l’avez pas lu, vous pouvez au moins tenter de dissimuler votre inculture en regardant le film de Spielberg avec Tom Cruise. 

  7. Vous plussoirez si vous avez la malchance de partager la vie d’une personne qui vous dit « Je dois absolument aller acheter un pantalon, je n’en ai plus à me mettre » et qui regarde TOUT dans les magasins SAUF les pantalons. 

On est bien sur skyblog ici ? Vite, je commente !


Une histoire de courant

Pondu le 25 avril 2012 - 12 commentaires

 Pré-note : Cette note est la plus longue que j’ai jamais faite, quasiment 4600 mots. C’est une fiction évidemment, et pas une très marrante en plus. De ce fait, point de photo de jeune femme courtement vêtue cette fois-ci. Bonne lecture…

Amandine était bien embêtée. Cette jeune brune de 28 ans travaillait à l’accueil clientèle au sein d’ERDF. Le fonctionnement d’ERDF restait un profond mystère pour elle, vu que lors de sa formation aucun responsable ne s’était risqué à lui décrire le fonctionnement de l’entreprise. Elle avait cru comprendre que c’était un reliquat de l’ancien monopole EDF-GDF, et que du coup lorsqu’il avait été décidé de créer ERDF, on y avait fourré pèle-mêle des trucs d’EDF et de GDF en priant très fort pour que ça ne foire pas.

Amandine venait d’avoir un appel d’un client qui avait fait sa demande de raccordement début octobre 2011, et là on était en avril 2012 et rien n’était terminé. Elle alla voir son responsable, M. Defort, qui était un quinquagénaire mal rasé, peu aimable et pas très beau.

« – Patrick, j’ai un souci avec un client : ils vont emménager à la fin du mois et ils n’ont toujours pas été raccordés.

– Ils ont fait leur demande quand ?

– En octobre de l’année dernière.

– Et ils croient peut-être qu’il suffit de claquer des doigts pour leur amener l’électricité ?!

– 6 mois, ça fait long quand même non ?

– Ah ma petite, tu n’es pas avec nous depuis très longtemps, sans quoi ça ne t’étonnerait pas.

– Mais alors je fais quoi ? »

(suite…)

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Du papier bien mal rentabilisé

Pondu le 20 mai 2011 - 8 commentaires

Il est un sujet hautement écologique et qui nous touche tous et tous les jours dont je voudrais parler ici : la gestion du papier dans les lieux publics.

Dit comme ça, je vous accorde que c’est pas folichon comme sujet. Mais attendez un peu, ça va empirer après.

Quand je parle de papier, je veux en fait parler des serviettes et mouchoirs en papier et du papier toilettes. Car enfin, voilà là une source inépuisable d’incompréhension de la quasi majorité des gens. On pourrait même dire qu’il y a deux catégories de gens dans le monde : ceux qui conçoivent les serviettes et mouchoirs en papier ainsi que le papier toilettes à destination des lieux publics, tous les autres, et enfin ceux qui ne savent pas compter.

Commençons par le papier toilettes : mais pourquoi mettre toujours des rouleaux de papier super fins ? On peut voir à travers, et il est certain que ce papier va se déchirer entre nos doigts dès qu’on va s’en servir. Curieusement, il est cependant indéchirable quand vous voulez en prendre un morceau, et le pré-découpage est un piège à cons du même acabit que les ouvertures faciles.

Ma jolie, ce n'est pas avec ce PQ bas de gamme que tu vas essuyer ce foutoir !

Je présume que la finesse de ce papier est en grande partie due à de basses considérations économiques : moins d’épaisseur = moins de matière première = plus de profits1. Ça c’est la théorie. Parce que la pratique, la voilà : quand le papier semble trop fin, on en prend beaucoup plus pour le plier (ou le rouler, quand on fait partie de ces immondes rustres qui osent enrouler le PQ autour de leur main au lieu de le plier délicatement) et ainsi augmenter l’épaisseur. Pire : quand vous êtes dans des toilettes publiques, nids à bactéries par excellence et que vous devez vous asseoir sur la cuvette, vous allez mettre plein de papier dessus afin de faire un coussin pour votre popotin. Et comment estimez-vous que vous êtes suffisamment en sécurité pour ne pas chopper toutes les vilaines bestioles microscopiques ? Par la sensation de molletonné2 sous vos fesses, que vous allez donc atteindre en déroulant la moitié du rouleau tellement le papier est fin.

 

Gain final de l’opération « Moins d’épaisseur pour plus de pognon » : nul.

Continuons avec les serviettes en papier :  nous avons tous en tête la scandaleuse et inefficace serviette de fast-food, qui offre le tour de force de retenir absolument aucune particule graisseuse, alors que c’est justement ce dont on souhaiterait débarrasser ses doigts ou sa bouche3. En effet, cette étoffe végétale (faut bien trouver des synonymes et autres métaphores pour causer de ce fichu morceau de serviette en papier) n’accomplit résolument pas sa fonction, elle n’absorbe rien, elle est rêche au toucher et malgré ça elle semble tout de suite sale dès que vous y touchez.

Ce dernier point mérite qu’on s’y arrête, car l’explication de ce phénomène tient en fait à l’extraordinaire propriété anti-adhésion de la serviette. Le peu de gras que vous arriverez à déposer sur cette serviette ne s’y fixe pas, et il va donc repartir sur vos doigts/bouches au prochain passage. Tout ceci contribue donc au fait qu’encore une fois, l’utilisateur se verra contraint de remplacer la qualité par la quantité, en prenant une montagne de serviettes.

Alors autant je peux comprendre l’équation du PQ, même si j’ai brillamment démontré qu’elle est erronée. Mais là, qui a bien pu pondre un tel concentré d’ânerie ? Ils ne testent pas leurs produits avant de les mettre à disposition ? Verrai-je de mon vivant la fin des émissions de variété le vendredi soir, alors qu’un sondage récent a montré que c’est un des jours de la semaine où les gens voudraient le plus voir des films ?

Il se trouve que j’aurais encore plein de trucs à dire sur les fast-foods, notamment sur la différence entre les sandwichs Quick dans leurs pubs et dans la réalité, mais je m’éloignerai dramatiquement du sujet et je vous sais pointilleux sur la rigueur qu’il convient de donner au sujet traité dans cette note aujourd’hui.

En résumé, gain final de l’opération « Moins d’efficacité pour plus de blé » : nul.

Finissons enfin avec les kleenex qu’utilise par exemple la crèche de Mini-Dric. Ils sont tellement fins qu’on se retrouve vite avec les doigts dans le nez et des morceaux de kleenex éparpillés sur les doigts et dans les narines. Non pas que je n’aime pas avoir les doigts dans mon nez. Je n’ai pas honte de dire publiquement que je prends un certain plaisir à pratiquer l’exploration digitale4 dans mes conduits nasaux, mais quand j’ai recours au mouchoir en papier c’est bien parce que le contenu de mon nez est trop liquide pour être extrait avec les doigts. Et c’est en général le cas de tous les utilisateurs de mouchoirs en papier qui ont le nez qui coule. La solution : doubler ou tripler l’épaisseur en superposant plusieurs mouchoirs. Vous pourriez me dire que c’est pour pousser à la consommation, mais je vous rappelle que nous parlons ici de l’utilisation du mouchoir en papier dans un lieu public, et que la crèche de Mini-Moi n’a aucun intérêt à ce que nous vidions ses stocks de mouchoirs pour épancher les fuites nasales de nos charmants petits monstres.

Gain final de l’opération « Plus de finesse pour plus de pépètes » : nul.

Ce qui nous fait, si je compte encore juste à ce stade de réflexion :

bénéfices : 0 – emmerdements : 35

Je n’ai pas de conclusion à vous fournir pour tout ceci, à part que parfois, privilégier la qualité ne se révèle pas forcément plus coûteux au vu du propos exposé dans cette note. Ainsi, boycottons les knackies premier prix, car ils sont vraiment infâmes et en plus comme on les achète par paquets de 20, il faut tout manger si on ne veut pas gaspiller.


  1. Ce qui sous-entend que oui, on peut faire du profit avec du PQ. Mais la concurrence est acharnée dans le domaine, voir le célèbre ouvrage du Dr Henkel : La bataille du papier hygiénique dans la seconde partie du XXè siècle, aux éditions Flamby. 

  2. molletonné ou moltoné, puisqu’il semble que les deux orthographes soient usitées en matière de textile. Néanmoins, seule la première forme est officielle. 

  3. Je parle bien de graisse alimentaire puisque sinon les filles adorent se mettre du gloss, qui n’est autre que du gras en stick. 

  4. attention au faux ami importé des pays anglophones, heureusement en voie de disparition : dans les années 2000, « digital » était souvent employé pour « numérique », vu que c’est à peu près ce que veut dire ce mot en ricain. C’est une grossière erreur que nous avons heureusement pu éviter de transmettre aux jeunes kikoolol dernière génération qui n’ont de toute façon même plus le niveau linguistique suffisant pour écrire le mot « digital ». Ni le mot « numérique » d’ailleurs…  

  5. C’est d’ailleurs particulièrement vrai avec le PQ, et de façon littérale en plus. 

Je n'ai jamais lu un tel ramassis de conneries, vite je commente !


Oui, je fais pipi assis

Pondu le 26 février 2010 - 13 commentaires

J’ai un secret quasiment inavoué depuis des années que je vais aujourd’hui révéler au grand public (et même au petit, sans quoi je serais obligé de faire l’impasse sur la quasi-totalité des lecteurs berrichons – qui comme chacun sait ont une taille moyenne leur permettant de rentrer dans la catégorie « Pygmées d’Europe de l’Ouest ») : je suis incapable de pisser debout dans des toilettes1.

Et ce pour une raison toute simple, c’est que j’en fous partout.

Il y a plusieurs causes à ce phénomène, que je vais vous expliquer dans ce qui suit2 :

Pour une raison étrange la trajectoire et donc le point d’impact varie énormément en fonction du débit de ma vessie, et ce sans que je puisse réellement le contrôler. S’il va de soi qu’au début je n’ai aucun souci puisque le débit est constant, au fur et à mesure que ma vessie se vide le débit diminue (c’est quand même le but quand on va aux toilettes pour la « petite commission »), rendant la visée hautement imprécise. Et là c’est le drame et mes chances d’en foutre partout approchent alors du 100%. Je me suis adressé à l »Institut Français pour une Meilleure Connaissance de Soi-Même et des Mystères de la Vie, dont les ingénieurs hautement diplômés m’ont appris que les deux seules raisons valables pour qu’un tel phénomène se produise était soit une irrégularité naturelle, soit un barrage de castors microscopiques, chaque fois au niveau de mon urètre.

La deuxième raison est que je suis grand3. Et que les concepteurs de toilettes devaient être de petite taille, puisque l’écart entre mon « p’tit robinet »4 et la lunette des toilettes est d’environ 50 cm (Les mesures ont été effectuées de façon très imprécises avec une règle de quarante centimètres). Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la distance et du handicap avec lequel je pars en étant grand. Il est évident qu’avec une telle distance, le moindre millimètre d’écart au départ se transforme à l’arrivée en 5 bons centimètres. Donc même sans le problème de débit vessinal5 il vaut mieux éviter quand on est grand de faire pipi debout quand on tousse ou quand on est enrhumé6.

Ajoutez à cela les quelques lois de Murphy qui peuvent s’appliquer à mon cas et vous obtenez une dose de stress totalement ingérable, surtout quand on a envie de pisser7.

Pour ceux qui voudraient se mettre au "pipi assis"

Évidemment quand j’étais petit j’ai quand même essayé, par fierté, bravoure et inconscience juvénile. Ma maman, qui est une femme pragmatique en ce qui concerne les dégâts causés par sa progéniture, m’a vite rappelé à l’ordre en me faisant nettoyer les toilettes chaque fois que j’essayais de prouver ma virilité en pissant debout. Cette expérience de nettoyage m’a tout de même appris deux ou trois trucs, comme le fait que nettoyer derrière un porc n’est jamais agréable, que la virilité est un vaste concept qui peut s’exprimer ailleurs que dans les toilettes, et qu’il est vain de lutter contre la nature quand on est systématiquement puni derrière.

Mais surtout que pisser assis règlerait tous mes problèmes.

Je voudrais donc ici rassurer les hommes qui se sentent bafoués dans leur honneur parce qu’ils sont obligés par leur copine/femme/colocataire/maman/technicienne de surface d’utiliser la lunette des toilettes pour asseoir leur auguste derrière afin d’uriner, et leur dire qu’ils ne sont pas seuls dans cette galère. De plus qui pourrait vous le reprocher ? Pas votre copine/femme/colocataire/maman/technicienne de surface en tout cas. Peut-être quelques australopithèques qui pensent qu’un vrai mec doit avoir plus de poils qu’un ours, sentir mauvais des dessous de bras et boire beaucoup de bière en parlant très fort… mais en toute honnêteté vous aurez plus de chances de coucher avec votre copine/femme/colocataire/technicienne de surface8 qu’avec un de ces gars-là.

Edit du morse édenté : MQB a fait fort judicieusement remarquer dans les commentaires que faire pipi assis présente l’immense avantage de pouvoir emmener de la lecture dans les toilettes, ou tout du moins laisser disponibles vos deux mains pour vous curer les ongles, compter jusqu’à dix sur vos doigts ou encore manger une choucroute.


  1. Mais vous vous en étiez déjà douté en lisant le titre de cette note. 

  2. Note du comité rédactionnel de ce blog : Ce qui suit a été fortement édulcoré et remanié dans le vocabulaire pour ne pas trop sombrer dans le vulgaire et le pipi-caca. Pour autant, ne cherchez pas dans la suite de cette note votre prochain sujet de discussion pour un repas de famille ou une réception d’ambassadeur. 

  3. 188 cm environ 

  4. Vous noterez que cette expression poétique convient à merveille au contenu de mon propos. 

  5. C’est le mot inventé du jour, ne perdez pas de temps à le retenir. 

  6. Ce conseil est également valable quand vous êtes bourré(e), toutes tailles confondues. 

  7. Essayez donc de vous concentrer avec une énorme envie d’aller aux toilettes, vous ne tiendrez pas longtemps la distance. 

  8. Vous imaginez si j’avais fait un bête copier/coller, ç’aurait été une incitation à l’inceste… 

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